III.Réalisation de Guernica
Quand Picasso, qui est à Paris lors du bombardement de Guernica, apprend la nouvelle dans le journal, son sang ne fait qu’un tour. Le voilà choqué, indigné, révolté… Il travaille depuis un certain temps à la conception d’un grand tableau commandé par le gouvernement républicain pour le pavillon de l’Espagne à l’Exposition Internationale des arts et Techniques de Paris. Il pensait peindre son atelier et représenter le travail de l’artiste, mais cet événement terrible, ce massacre d’innocent, ne laisse plus de doutes dans ses projets. Il réalise à partir du 1er mai 1937 les dessins préparatoires d’une œuvre nouvelle qui immortaliserait cette tragédie.
Le 11 mai, Picasso trace sur une immense toile de 3.50m sur 7.80m, installée dans son atelier de la rue des Grands Augustins, la première composition du tableau, qui sera modifiée maintes fois jusqu’à son achèvement vers la mi-juin 1937.
Sa compagne de l’époque, Dora Maar, établit un reportage photographique des différentes étapes de la création de l’œuvre qui se révèle d’une grande valeur pour comprendre la mise en place de la construction du tableau, des couleurs et des formes, ainsi que le bouillonnement de l’activité créatrice du peintre.
Picasso devant Guernica.
Le tableau comporte de nombreuses références à ses œuvres, travaux et dessins antérieurs ou à des œuvres majeures de l’art européen.
Les figures qui se détachent, se devinent ou surgissent de la toile traduisent des sentiments violents, agités, ardents de terreur et de désespoir et éternisent cette dénonciation artistique.
La toile est présentée le 12 juillet lors de l’inauguration du pavillon espagnol. L’édifice, construit par les architectes Luis Lacasa et Joseph Lluis Sert, est conçu comme une vitrine de la lutte de l’Espagne républicaine contre la rébellion nationaliste.
Le tableau reçut un accueil mitigé : certains le jugèrent difficile et ne le comprirent pas tant par son avant-gardisme que par son mélange de cubisme et d’expressionnisme. Cependant, de nombreux critiques tel que Christian Zervos dans la revue Cahiers d’Art reconnurent aussitôt la puissance émotionnelle, l’importance historique.
Après la fermeture de l’exposition internationale, le gouvernement républicain se rendit à l’évidence que le tableau devait continuer à être vu.
Guernica voyagea en Scandinavie, en Angleterre, puis fut présenté à New York en 1939.
En 1970, alors que l’œuvre est depuis plus de trente ans en dépôt au Museum of Modern Art, Picasso réaffirma qu’elle ne pourra rentrer en Espagne, que lorsque « les libertés publiques y seront rétablies ».
Ce n’est qu’en 1981 que l’œuvre est solennellement rapatriée à Madrid après la mort de Franco pour y être exposée au Cason del Buen Retiro, puis au Musée Reina Sofia depuis 1986 et encore aujourd’hui.
Guernica est aujourd'hui un des tableaux les plus visités au monde, le 2e après la Joconde.
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